Télétravail en 2022 : Regards croisés
Toujours aussi attentive à ses Collaborateurs, Clients, Prospects et Candidats postulants, ALFI a voulu explorer le vécu de toute une chaine de vie, dans un contexte radicalement nouveau d’organisation du travail suite à la pandémie Covid-19. L’Humanité tout entière a eu à résoudre une équation nouvelle : « Maintenir des distances sociales, induites par l’épidémie, tout en préservant la proximité et l’empathie chères à l’Homos Sapiens. Et l’Homme créa le Télétravail !
Cette disposition à exécuter des tâches à distance n’est pas nouvelle en France. À la fin des années 90, de nombreuses entreprises (cabinets de conseil) et institutions financières (banques et assurances) introduisent dans leur « Business Model » des capacités à télétravailler.
Les motivations premières sont diverses, parmi lesquelles on retiendra : la maturité des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication) et la maîtrise des contraintes et sécurité des réseaux (Wifi,..); la recherche assidue de réduction des coûts en particulier immobiliers (réduction des espaces bureaux et création des premiers Flex Office); enfin pour les marchés financiers, le nouveau cadre réglementaire (Bâlois II, Solvency I) introduit la nécessité de disposer de PCA (Plans de continuité d’activité) et donc d’une capacité à travailler sur des sites de secours voire en distanciel à partir du domicile des collaborateurs.
Malgré ces premières initiatives innovantes, un grand nombre d’entreprises a trainé le pied à investir et à structurer cette pratique, tant les préjugés étaient nombreux et tenaces autour de l’incapacité des salariés, jugés inaptes à s’autogérer et insuffisamment responsables en dehors des murs d’enceinte de leur maison « Mère ».
L’Histoire, dans laquelle bascule le monde ce 16 mars 2020, mettra à l’honneur tous celles et ceux, qui se retrouvèrent en quelques heures, dans leurs salon, bureau, cuisine ou couloir, mobilisés pour maintenir au plus haut niveau une productivité du travail menacée, une vie sociale bousculée, conscients de la chance qui était la leur de maintenir leur activité, quand d’autres étaient conviés à rester en chômage partiel dans l’attente de jours meilleurs.
Fière-e-s et un peu fatigué-e-s de tant de chamboulements, l’heure est au recul, au bilan, à la prise de conscience des emplois sauvegardés et des liens maintenus !
Les prémices du cadre juridique autour du télétravail
La genèse du cadre juridique, spécifique au télétravail a fait l’objet, à la fin des années 1990, d’un long processus de maturation à l’échelle européenne avant d’être transposée progressivement dans le Code du travail respectif des états membres.
Aujourd’hui une définition juridique du télétravail est inscrite en droit français : « Toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors des locaux de façon volontaire en utilisant les TIC ».
La bascule de mars 2020 !
Après un mois de février passé dans l’insouciance collective sur les pistes de ski, le Président de la République annonce le 16 mars 2020 un confinement total de deux semaines. Le travail à domicile devient obligatoire pour tous les emplois le permettant, les écoles et les commerces non essentiels sont fermés, les rues deviennent désertes, les gestes barrières entrent dans notre quotidien et les Français s’isolent. Deux semaines qui deviendront quatre, puis six, puis huit !
En l’espace de quelques heures, il a fallu transformer son domicile en lieu de travail, sur un coin de la table du salon, dans la cuisine ou la chambre. Les salariés non équipés ont récupéré à la hâte des ordinateurs portables et les entreprises ont adapté leur réseau et ses règles de sécurité. Les chantiers technologiques de plusieurs mois ont été parachevés en quelques jours, grâce au travail acharné de milliers de personnes.
Si les premiers jours ont été plutôt bien accueillis, l’arrivée du printemps et des beaux jours a considérablement ébranlé le moral des Français. Personne ne se doutait que nous venions d’entrer dans une crise sanitaire sans précédent, dont l’actualité et la prégnance nous poursuivraient encore deux ans plus tard.
En matière de Télétravail précisément et du déplacement des distances dans un champ numérique, nous avons souhaité savoir comment ce mode de travail s’était installé dans nos vies et ce qu’il en était aujourd’hui. Tour d’horizon !
Regards croisés : ce qu’ils en pensent !
C’est une révolution nous dit-on, dont la mesure des effets s’opère à peine !
Les femmes et les hommes : L’altérité est convoquée sous un nouveau jour. L’autre est-il danger ou solution ? À quelle bonne distance de l’autre devons-nous nous maintenir pour exister avec les autres, grâce aux autres ? Quelle aptitude à appréhender l’autre pouvons-nous encore cultiver quand les visages s’exilent ? Ne plus embrasser ses proches, ses collègues ! Ne plus recevoir cette chaleureuse poignée matinale qui nous réinitialisait quotidiennement dans ce parfum et cette chaleur du café matinal ! Alors haut les masques ou bas les masques nous demandent-ils ?
Les familles et les enfants : Les proches des « Télétravaillants » s’avouent impactés par ce nouveau mode de travail, qu’il s’agisse des conjoints invités à optimiser le quotidien ou des enfants ayant parfois du mal à comprendre que leurs parents, présents dans la maison, ne peuvent tout de même pas jouer avec eux. Le virus nous a assignés à résidence, chouette font les mômes ! Pas d’école et Papa Maman sont à nous toute la journée et toute la semaine. Trop cool ! Avant que ne s’installe le rituel des cours à domicile et des papas mamans convertis en Profs ! Pas cool ! Puis les parents ouvrent les négociations de la planification des créneaux de « Visioconférence ». T’es 10h-11h ou 11h-12h ? T’es Teams ou StarLeaf ? T’es poste lourd dans le salon ou Laptop dans la cuisine ? T’es casque filaire ou Bluetooth ?
Nos Clients : Ils constatent des effets positifs notoires au sein de leur groupe. D’abord une augmentation considérable de l’utilisation des outils digitaux, pour une fluidité des communications certes (Webex, StarLeaf, Teams, Jitsi Meet, Zoom, Skype,..) mais également une plus grande rigueur dans le suivi des tâches (Fonctions Tasks de Teams, Tasks et To do de Microsoft,..)(1), voire pour une meilleure animation des ateliers participatifs (développement des ateliers dits Post-it – Ex : Post-it Windows 10, StarLeaf, Teams, …)(1). Même si nombre de nos Clients avaient déjà bien avancé dans ce domaine, le distanciel a accéléré le passage au digital.
La surprise est venue du constat d’une efficacité jamais atteinte sur les processus annuels de clôtures comptables (2) ou de production de données réglementaires à destination des maisons mères ou des autorités de contrôles (3). Ces productions sur site habituellement sources de stress et d’erreurs ont été réalisées en télétravail dans les délais souvent avec de l’avance, associées à des taux d’incidents opérationnels sensiblement plus bas et une qualité des données améliorée !
(1) Grande banque française de détail– (2) Grande banque française de développement – (3) Asset Manager français
Si au cours de l’année 2020 le périmètre des projets a été volontairement limité au sein des DSI, imaginant des dérives induites par le télétravail, le sentiment de gain potentiel de productivité a été confirmé en 2021. Les plans projets ont globalement été respectés avec les bons niveaux de satisfaction attendus.
Enfin, le Télétravail a ouvert dès le second semestre 2020 des chantiers de réduction des coûts dont les comités exécutifs des grandes institutions n’avaient jamais imaginé l’ampleur et la possibilité de mise en œuvre rapide. En effet les Clients soulignent les grandes réorganisations des espaces bureaux induites par la réduction drastique des surfaces occupées (20% à 30% des espaces ont été ainsi libérés) et des économies d’échelle associées (Ex : Coûts sur le site de la Défense : [40 – 100 € / m2] soit ~ [1 M€ -2.5M€ pour 2000 m2 / an])(4).
La réduction des espaces s’accompagne par ailleurs de la disparition du bureau et de la naissance du Flex Office avec son lot de nouveaux outils dédiés à la réservation de son Desk ! L’Open Space n’est plus l’apanage des polards américains des années 60 des Start-Up mais bien un nouveau mode universel.
En présentiel, les rapports entre collaborateurs et niveaux hiérarchiques ont été bouleversés. Les membres de comex décidant de donner l’exemple, se sont parfois eux-mêmes installés, pour l’exemple, au milieu de leurs collaborateurs. Certains y voyant la chute des barrières, d’autres un œil plus attentif porté à leur productivité (5).
Dans cette dynamique d’évolutions des rapports intra-entreprise et de l’avènement du «Travail Hybride» (alternance Distanciel – Présentiel), des réflexions internes ont débouché sur la mise en œuvre de nouvelles bonnes pratiques, formalisées souvent sous forme de chartes ou de guides méthodologiques (5).
(1) Grande banque française de détail – (2) Grande banque française de développement – (3) Asset Manager français – (4) http://www.perspectives-immobilier.fr/ – (5) Grand Asset Manager français
Comment adapter ses comportements en situation de travail hybride (s’auto-organiser, s’exprimer en Visio, discerner vie privée / vie pro, maintenir l’empathie avec les autres…) ? Quelle différence intégrer entre une réunion sur site et une visioconférence (Rigueur dans la préparation des ODJ, la participation et choix des invités, distribution de la parole, réunions courtes versus réunions longues…) ? Comment optimiser ses tâches en tenant compte de l’alternance des modes de présence (parfaite connaissance de ses objectifs ainsi que ceux des membres de l’équipe, conscience de son niveau d’action et des limites, planifier ses actions sur de longues périodes…) ? Comment les Managers doivent-ils dynamiser et cultiver l’esprit collectif et assurer l’autonomie de leurs équipes (impliquer les collaborateurs dans la définition des objectifs, responsabiliser dans les choix de solutions, développer la prise de risque, relativiser les erreurs, donner du sens et développer l’autonomie, développer l’entraide, porter une attention plus importante aux signaux faibles…) ? Bref des rencontres plus rares, mais aux contenus plus intenses !
Enfin, le mode hybride s’est organisé autour de plusieurs formules négociées par les partenaires sociaux en fonction de la sensibilité plus en moins grande des directions à la présence sur site des collaborateurs : allant de quelques jours par an jusqu’à presque 50% de son temps en Télétravail(6).
Une amélioration globale de la qualité de vie des salariés avec un équilibre vie personnelle / vie professionnelle, est plus souvent constatée, conduisant logiquement à une réduction du stress et du risque de burn-out ! Nos Clients et les collaborateurs soulignent des gains de temps de transport pouvant aller pour certains jusqu’à 5 heures par jour (Paris – Beauvais, Paris – Rouen…), les impacts qualitatifs et quantitatifs sur les niveaux de productivité sont majeurs.
Toutefois, l’engouement pour le télétravail est parfois retombé relativement vite chez certains collaborateurs, jugeant que le contact social est un besoin presque physiologique qu’il redonne un intérêt au travail et permet de sentir que nous sommes pleinement considérés. Dans des proportions non négligeables variant entre 2% et 5% des salariés, des stratégies d’aménagement du télétravail ont été mises en place.
Consultants et Candidats (7) : Une des grandes difficultés du télétravail a été le démarrage de nouvelles missions ou l’arrivée de nouveaux collaborateurs au sein des équipes présentes aux sièges des cabinets de conseil. Les Consultants ont dû faire preuve d’une adaptabilité historique, jonglant entre les mesures drastiques de leurs Clients et les recommandations fermes de leur Cabinet d’attache. Pas simple cette affaire !
Les équipes rompues aux interactions ont effectivement peu été affectées par les distances induites par le télétravail, en revanche il en va tout autrement lorsqu’on intègre une équipe qu’on ne découvre que virtuellement. Se former devient plus difficile, créer un lien avec ses collègues peut parfois se révéler être un véritable parcours du combattant.
Ce constat s’étend aussi aux candidats qui postulent aujourd’hui. Comment peuvent-ils choisir un cabinet qu’on n’appréhende que virtuellement ? Et de quelle manière un candidat peut-il marquer sa différence avec les autres, si tous ses atouts restent dissimulés derrière un écran ? Quelles prouesses d’innovation commerciale et humaine les Ingénieurs d’Affaires et les fonctions support doivent-ils faire preuve ?
Rapports Clients – Prestataires : Les relations entre Clients et sociétés de conseil ont également évolué. Les contacts informels, au détour d’un couloir ou autour d’un café-croissant le matin, sont remplacés par de brèves visioconférences de 15mn. Entre deux réunions ! Contacter son Client devient certes techniquement plus facile, mais les « Tiens tant que j’y pense, il faudrait que je te présente Dubois, il va lancer un projet et peut avoir besoin de toi !» se transforment en « Je dois vous laisser, on m’attend pour une autre Visioconf ». Les ingénieurs d’affaires doivent redécouvrir leur métier et trouver de nouvelles façons de créer du lien avec leur Client.
Rapports Clients – Prestataires : Les relations entre Clients et sociétés de conseil ont également évolué. Les contacts informels, au détour d’un couloir ou autour d’un café-croissant le matin, sont remplacés par de brèves visioconférences de 15mn. Entre deux réunions ! Contacter son Client devient certes techniquement plus facile, mais les « Tiens tant que j’y pense, il faudrait que je te présente Dubois, il va lancer un projet et peut avoir besoin de toi !» se transforment en « Je dois vous laisser, on m’attend pour une autre Visioconf ». Les ingénieurs d’affaires doivent redécouvrir leur métier et trouver de nouvelles façons de créer du lien avec leur Client.
Que retenir, entre contraintes et espoirs ?
Alors, que peut-on retenir et espérer de ce Télétravail ? Après deux années de crise, ce nouveau cadre de travail est entré dans un mode organisationnel durable, voire pérenne, avec son lot de contraintes, mais également d’espoirs.
Les relations sociales entre collègues ont été mises à mal, la virtualité ayant remplacé le contact humain. Les managers ont dû redécouvrir leur métier et faire évoluer leur rôle pour être au plus proche de leurs collaborateurs tout en respectant leur vie privée.
En deux ans, les entreprises ont intégré le télétravail dans leurs accords interprofessionnels et depuis, les Français ne le subissent plus comme lors du premier confinement, mais le choisissent.
Des changements profonds de nos comportements se sont-ils installés définitivement, telles les habitudes du port du masque comme au Japon ou en Chine ? Des effets bénéfiques sur notre santé sont-ils maintenant amorcés durablement, grâce à ces économies de fatigue liées à la réduction des temps de trajet ? Et nos cieux urbains redeviendront-ils aussi clairs et purs que les montagnes du Jura en hiver ? Peut-être, mais si l’Homo Teletravaillus a fait sienne cette nouvelle culture, il lui faut rester vigilant sur sa bonne pratique !
(6) Grande Banque d’Investissements française (7) Grand Cabinet de Conseil français leader en Asset Management